Salut, c’est Anne-Gaëlle. Une fois n‘est pas coutume, je pique la plume de Jacqueline pour m’exprimer un petit peu. Jacqueline se plaint qu’on ne diffuse pas assez vite ses articles mais comme ça elle aura le temps de revoir la lettre « C… comme Carraghénanes » pour la compléter avec tout ce qu’elle a vu sur la route depuis décembre et la publier dans « P… comme Phycocolloides ».
Bon à mon tour… Cela fait un bon moment que je pensais publier un petit mot, du genre « bilan de mi-parcours » pour le côté symbolique. Mais la moitié s’est vite faite rattraper par les deux-tiers, puis les trois-quarts… Bientôt je serai rentrée que le blog sera toujours en Australie ! Alors voici un numéro spécial en direct de Rio de Janeiro au Brésil à l’occasion du 224e jour du voyage, soit 45 jours d’ici le retour à Brest le 1er juillet !
C… comme Chiche !
De la drôle d’idée au départ, du départ aux rencontres, des rencontres aux exemples qui fonctionnent… Le résultat dépasse mes espérances. Chiche ? Oui ça valait le coup de tenter ce pari, d’acheter un billet tour du monde et de partir avec le sac rempli de doutes mais vide de pression, en se disant que si ça ne marchait pas, si c’était trop dur, s’il n’y avait plus de budget, il n’y avait qu’à rentrer, les regrets eux se seraient envolés. Derrière la lourde porte de l’inconnu et des incertitudes, il y avait en fait des sourires, des découvertes concrètes, des rencontres magnifiques, des soutiens chaleureux enveloppés de soie, de coton ou de laine de lama… enfin de quoi stocker des barils d’espoir. Au fur et à mesure des kilomètres parcourus et des impacts d’échanges fugaces ou plus loquaces, le curseur n’a cessé de grimper sur l’échelle de l’optimisme.
On ne part pas en quête de solutions si à la base il n’y a pas un problème et le notre, ce désordre global, est plutôt balaise dans le genre. On parle de développement durable. L’ampleur de la tâche est énorme. On commence par quoi ? Remplacement des minerais ou des énergies fossiles, développement d’un mode de vie plus serein, nécessité d’alternatives économiques, développement d’une vision globale internationale, promotion de l’éducation à la citoyenneté, prise de conscience du rôle de chacun,… énumérer est impossible, il y a tant de défis et pas de quoi se tourner les pouces. Pas de temps à perdre non plus. Ça tombe bien : comme nous serons bientôt près de 7 milliards d’humains sur Terre, ça fait un paquet de neurones à activer et beaucoup de surprises en perspective.
Chiche de relever le défi du développement durable ? Bien sûr que oui ! Et avec fun en plus. Je suis de plus en plus convaincue. Cette drôle d’espèce qui est la notre, pleine de défauts et de non-sens, est tellement riche de créativité que tous les éléments semblent réunis pour être acteurs d’un scénario positif et gagner le grand prix de la génération décisive. Ce n’est pas un discours d’idéaliste, c’est plutôt le principal bilan du C… de Chanceuse. La Chanceuse que je suis a le bonheur de rencontrer et de passer du temps avec des acteurs de changement et d’alternatives. Face à leurs problèmes, ils se retroussent les manches, entreprennent et trouvent des solutions… et la plupart du temps sans se prendre au sérieux et avec le sourire. Tout semble possible à leurs côtés. Entraînée dans leur sillage, impossible d’aller à contre-courant, l’avancée se fait forcément vers le pôle POSITIF : les problèmes deviennent des défis, les efforts du dépassement, les petites avancées de grandes victoires, les erreurs de l’apprentissage. C’est un cercle ambitieux. A moins que les conséquences de l’entraînement dans une spirale euphorique ?
Bon, c’est tout de même étrange, il doit bien y avoir une explication biologique à ce syndrome d’optimisme… Est ce une réaction immunitaire ? Une stimulation de la production d’endorphines au contact des Algonautes ? Y a t’il un risque de développer une dépendance au positivisme ? Pourvu que les symptômes durent très longtemps !
- Jacqueline (off) : non mais Anne-Gaëlle si c’est pour écrire des énormités pareilles, je te confisque le stylo… Faudrait tout de même rester réaliste !
- Anne-Gaëlle : Mais Jacqueline, les Algonautes qu’on a rencontrés, ce n’étaient pas de bonhommes en mousse que je sache ! Et les innovations qu’on a pu découvrir sur le terrain ce ne sont pas des hologrammes !
- Jacqueline : Soit… j’ai bien vu tout ça, mais on est tellement nombreux et nos besoins augmentent tellement vite…
- Anne-Gaëlle : Nous avons trouvés et rencontrés des Algonautes qui travaillent sur les algues. Mais des personnes formidables, ça doit exister dans tous les domaines ! Tiens, je te renvoie à nos références ! 80 hommes pour changer le monde, 100 pionniers pour la planète, Le tour du monde des Energies, 81 femmes…
- Jacqueline : Bon d’accord.
- Anne-Gaëlle : Hein ?!! Tu es d’accord avec moi ???
- Jacqueline : Pas avec toi… avec eux ! Oui c’est très plaisant de côtoyer ces Algonautes et à en juger par l’amélioration de l’élasticité de ma peau, je dois bien admettre que les bonnes ondes de ces Algonautes ont de puissants effets anti-âge! Il va falloir qu’on se dépêche de partager la formule au retour !
- Anne-Gaëlle : OUI ! On y travaille !
Le sac est de plus en plus lourd de sens mais les ailes que nous donnent ce projet nous portent pour aller plus loin. Finalement Jacqueline et moi n’avons pas rebroussé chemin et celui qui nous éloigne du Cap Sizun se réduit à présent : le virage autour du globe s’est effectué au dessus du Pacifique lors du vol Auckland-Santiago. (Jacqueline off : tu parles d’une journée ! elle a duré 40 heures !). Le décalage horaire se réduit et semble nous ramener dans la même dimension : avec cette impression de partager le même soleil, on apercevrait presque la maison à l’horizon.
C… comme Caméra
Quand j’avais été chercher la caméra avant de partir, Christian du magasin m’avait dit « et voilà le bijou ». C’était clairement ça : toute petite caméra dont l’acquisition après plus d’un an de préparation faisait entrer le projet dans le concret. Un vrai bijou, j’étais loin de me rendre compte de sa valeur.
Lorsqu’en Nouvelle–Zélande, on m’a annoncé « elle est morte », au delà de la contrariété et de la remise en question de la suite du projet, j’ai ressenti de la peine. Bien sûr il faut relativiser : c’est matériel, ce n’est pas grave. Soit. Mais j’étais triste de perdre ma meilleure amie de voyage. Ça semble un peu bizarre d’écrire cela mais elle a joué un rôle majeur dans l’aventure : c’est grâce à elle que j’ai pu vivre et capter toutes ces belles rencontres. Lors des discussions avec les Algonautes, elle a été protectrice aussi lorsqu’à plusieurs reprises elle m’a permis de me cacher (oui bon… comment dire ? débordement lacrymal provoqué par ce qu’exprimaient les Algonautes…). Courageuse également pour les plans improbables que nous avons tentés… et ratés. Et discrète lorsqu’elle s’est effacée pour m’offrir des moments de voyage rien qu’à moi.
Tête à tête avec ma petite caméra malade sur les bords du Lac Taupo
Elle est posée là dans ce décor naturel majestueux et tout d’un coup… c’est cette incroyable technologie et capacité de miniaturisation que l’être humain a été capable de développer qui ma saute à la figure. Il y a eu en des cerveaux, des heures et des recherches pour mettre au point un tel outil. Je n’avais jamais cherché à comprendre comment elle fonctionnait. Je l’avais juste utilisé, consommé. A cet instant, j’ai symboliquement voulu rendre hommage et exprimer ma considération à ceux qui avaient créé ma caméra chérie en observant une minute de silence. Cela n’a pas été possible en raison de la présence d’environ 250 canards autour de moi mais, sans parler couramment le canard, ils semblaient clairement exprimer que si l’Homme a été capable de tels développements, alors, il n’y a aucune raison pour qu’on ne trouve pas les moyens de développer des technologies qui respectent les canards (et tous les autres maillons des écosystèmes). (à suivre bientôt, la lettre de Jacqueline : E…comme Ecosystème).
Bon ce n’est pas le C… de Canard, revenons à la Caméra. Je la trouve très belle et je n’imagine pas la jeter. Encore une drôle d’idée ou une inspiration liée à la foule des Anatidae mais à force de baigner dans le concept du développement durable et de rencontrer des personnes qui transforment leur problème en nouvelle ressource, j’essaie de réfléchir dans le même sens. Qu’est ce que devient l’objet une fois qu’on a fini de l’utiliser ? C’est du plastique (donc du pétrole), des composants divers, des métaux… Comment on recycle ? Hmm… à suivre.
Retour anticipé à Auckland pour régler le problème : la route des Algonautes c’est une quête de solutions, eh bien voilà un exercice pratique ! Après avoir exploré les recoins de mon cerveau et d’internet, la solution viendra la veille du départ… d’un coup de chance et d’un enchaînement de décisions express. Dernier coup de fil à un magasin, Paul vérifie la réserve et m’annonce la « couleur » (= prix = Paul est un chic type), puis dernier sprint pour sauter dans le bus et arriver au dernier moment avant la fermeture. Je saute sur Paul (sens figuré) et j’adopte la sœur jumelle de ma caméra. La nouvelle recrue dans l’équipe Algonaute avait jusque là mené une carrière de modèle dans une vitrine. Jugée dépassée par les nouvelles tendances, elle avait été dernièrement écartée du podium. Personne n’avait voulu d’elle… pour mon plus grand bonheur ! La petite recrue s’est parfaitement adaptée à tous les accessoires (on est modèle ou on ne l’est pas) et son arrivée dans l’équipe a été dignement fêtée un soir de St Patrick à Auckland. Tandis que nous décollions d’Auckland dès le lendemain et continuions notre route vers l’Amérique du Sud, la jolie caméra cassée est quant à elle rentrée en France dans son écrin… après 10 pays et 5 mois et demi de bons et loyaux services. Bijou au sens propre ou au sens figuré ? 🙂
PS : message pour Christian : Paul a le C de Chic type mais tu gardes le C de Chercheur Chouchou de Caméra sur mesure ! 🙂
C… comme Chrysalide, coopérative d’activités et d’emploi
Etape-clé dans la préparation du projet : découvrir Chrysalide (merci à Pierre Mollo et à Bernard Jaouen !) et développer une activité de médiatrice scientifique autour du projet La Route des Algonautes. Bienvenue dans l’Economie Sociale et Solidaire !
Chrysalide c’est une SCOP. Kezaco ? Les coopératives d’activités et d’emploi® sont une alternative à l’entrepreneuriat classique et proposent à des porteurs de projets de vérifier et développer leur activité sans créer juridiquement une entreprise avec un statut d’entrepreneur salarié. Elle propose un hébergement juridique, fiscal et comptable ainsi qu’un accompagnement individuel et collectif pour développer des compétences liées à la fonction d’entrepreneur, partager et échanger sur cette expérience dans un contexte coopératif et mutualiste.
En gros, c’est un endroit où des Scopains et des Scopines qui veulent entreprendre indépendamment se regroupent pour réussir ensemble. L’union des entrepreneurs-salariés fait clairement la force dans une ambiance orchestrée par Colette et Franck, les co-gérants (qui doivent avoir au moins 80 cerveaux chacun), où tout est fait pour faciliter l’entreprenariat !
Pousser la porte de Chrysalide à l’époque du Jury Défi Jeunes m’a fait l’effet du frigo magique d’une pub télé des années 80 (oui, celui-là même qui était porte d’entrée du paradis des crèmes glacées et que j’ai commandé chaque année au Père Noël). Enfin quand je dis le même effet, c’est bien sûr en version chaleureuse et réaliste, et appliquée au monde du travail : les alternatives économiques existent, l’entreprenariat peut être solidaire, le travail peut être un plaisir. Dans ce monde parallèle à l’ultra-libéralisme, la drôle d’idée Algonaute a pu bénéficier d’un accompagnement personnalisé et d’un trempoline pour aller plus loin au niveau professionnel.
Celui qui a récupéré le paquet c’est Patrick Gardet (http://www.territoire-en-projets.org/), consultant en Economie Sociale et Solidaire : depuis juillet 2010, il m’a accompagnée et aidée à faire rentrer le projet dans des cases (parce que ça dépend ça dépasse !) et à mûrir la réflexion aussi : du projet de « césure », la Route des Algonautes est devenue professionnalisation et a même commis de premières missions de consultante au cours du voyage comme à Chiloé avec le Conseil Général du Finistère ou avec le Parc Marin d’Iroise. Patrick connaît tout le dossier et est le correspondant en France de la Route des Algonautes. info@routedesalgonautes.org. Merci Patrick et merci Chrysalide !
Bon pour l’instant je rate toutes les réunions trimestrielles, mais promis je ramène des recettes à base d’algues à faire déguster aux Scopains !
Et puis, petit à petit on devient moins petit, et pour ceux qui seraient curieux d’en savoir plus sur ce système, il y a le livre d’Elisabeth Bost, l’inventeure des Coopératives d’Activités et d’Emploi ! « Aux entreprenants associés : la coopérative d’activités et d’emploi »
C… comme Couteau suisse
Utilisation quotidienne. Rien à ajouter, il est déjà complet. Magnifique cadeau des amis avant le départ. Ah si… malheureusement, nouvel et dernier épisode.
Il vient de terminer sa carrière Algonaute à Lima par ma faute. J’avais perdu l’habitude de prendre l’avion et dans un départ un peu précipité, j’ai oublié de le faire passer du bagage à main au bagage en soute. Trop tard lorsque je m’en suis rendue compte,
Lors du contrôle sécurité, gros déchirement lorsque mon couteau a dû rejoindre le club des ciseaux moches et autres objets coupants d’étourdis. Bon il va peut-être falloir me résoudre à arrêter d’harceler l’aéroport pour récupérer mon couteau lors de mon étape transit à Lima pour éviter d’autres embrouilles anti-terroriste.
Une Caméra Cassée, un Couteau Confisqué, on va vite passer à une autre lettre avant d’avoir un truc Chourré !! Allez je laisse le mot de la fin à Jacqueline.
Merci bien aimable, vu la tartine que tu as postée, je crois que j’ai tout intérêt à faire court… C’est dommage car dans les C il y aurait beaucoup à dire sur Chine, Corée, Chili, Chiloé, Composés bioactifs, Cryopréservation. Mais je choisis le
C… de Country
Mais non pas la musique Country, je parle du mot anglais pour « pays » ! Sur la route on nous demande très souvent where we are from (d’où nous venons). A chaque fois, j’explique en sortant la carte pour bien montrer que Ploaré est en France. Eh bien, honnêtement, à l’évocation du pays, je n’allais pas jusqu’à espérer « Ah…le kouign amann !» mais je m’attendais plutôt à « Ah… le camembert et le vin rouge ! ». Eh bien non, ce qui revient à travers le monde c’est « Ah… Carla Bruni ! ». J’ai bien compris que les temps changent !