Note de Goéman : deuxième extrait du courrier de Jacqueline : voici la lettre B !
B… comme Biocarburants.
Biocarburants : eh bien voilà un mot qui revient très régulièrement dans nos échanges avec les Algonautes. Rendez-vous compte : ça a même été mon cadeau d’anniversaire le 25 novembre dernier ! Nous étions alors en Corée du Sud, accueillies par le Pr Gwang Hoon Kim et son équipe, et hébergées royalement dans la guest house de l’Université de Kongju !
Tiens encore un Algonaute rencontré en congrès pour Anne-Gaëlle. Elle était surexcitée à l’idée de voir ce labo « en vrai » et m’avait juste dit sur le chemin : « Tu vas voir c’est magique ! ». Pour une scientifique, je m’attendais à plus de pragmatisme. Mais quand Tatyana Klotchkova m’a fait voir sur l’écran de télévision ce qu’elle voyait sous son microscope, j’avoue que je suis restée bouche bée. Quoi donc ? Hahaha ! Suspense, l’explication devrait arriver à la lettre L. Oui parce que là tout de suite, je vous parlais des biocarburants et on ne va plus rien comprendre si on mélange tout !
Quel séjour riche en découverte et en rencontre ! Grâce au soutien du Prof. Sung Min Boo rencontré à l’Université de Chungnam, nous avons pu accompagner Kyeong Mi Kim, doctorante dans son laboratoire, à un colloque à Incheon sur les biocarburants à base de microalgues et de macroalgues. Cela va vous surprendre mais j’étais très contente car depuis notre départ en octobre dernier, car cela me travaille depuis un petit moment et j’ai accumulé beaucoup de questions sur le sujet !
Flash-back, retour en Inde, entre 2 vols en octobre 2010
- Dis-donc Anne-Gaëlle, on vient de commencer mais je trouve qu’on prend beaucoup l’avion quand même… Il me semble qu’à la TV ils ont dit que c’était le transport le plus polluant. Pour un voyage « développement durable », tu n’es pas trop en phase là ?
- Mmmh… oui c’est vrai. Je suis admirative de ceux qui partent à pied ou en vélo comme Vincent, mon collègue de la dernière promotion Défi Jeunes Bretagne, porteur du projet Resilience (www.resiliencevincent.fr) qui de Brest va rejoindre le Népal en vélo. Je ne suis pas assez courageuse mais si j’avais su que tu y tenais… Enfin on va mettre quand même beaucoup plus de temps en bicyclette… Tu n’es pas pressée d’avoir les réponses à nos questions ?
- Oh tu sais, ton alogodélire c’est toujours le prétexte, moi je veux voyager. Mais j’ai l’impression que notre action contribue à aggraver les problèmes pour lesquels on cherche des solutions…
- Je sais Jacqueline, je sais… Heureusement les élèves de Pascale Mougin à Cléden Cap Sizun sont là pour nous aider ! On leur transmet les détails de tous nos trajets et ils calculent les distances et la compensation CO2 du voyage. Tu sais, c’est la compensation de nos déplacements par une contrepartie financière qui sert à développer des projets « développement durable ». On choisira ensuite ensemble un projet à financer.
- Dis moi, c’est bien joli tout ça mais ça ressemble bien à une invention de bobos ça encore… C’est une belle idée pour les gros salaires cela !
- Ah Jacqueline, tu me poses un gros problème et je n’ai pas de vraie réponse… Je peux juste te dire que nous avons inclus cette compensation CO2 dans le budget, mais j’espère que sur la route on trouvera encore mieux pour demain…
- Oui mais aujourd’hui, imagine si tout le monde faisait comme nous !
- Je sais Jacqueline, je sais… Mais il faut que je t’avoue un truc tout de même. Je fais face à un « conflit interne » sur le sujet. Je sais que le déplacement en avion est très polluant mais en même temps, je ne peux pas m’empêcher de trouver cette invention magnifique ! Tu te rends compte, on peut voler ! C’est quand même formidable, non ? C’est impressionnant de voir la technologie que les humains sont capables de développer, tu ne trouves pas ?
- Oui, je te vois venir, tu vas me parler de progrès ! Mais avec le progrès, on a aussi vu les quantités de poissons diminuer, la couche d’ozone ou je ne sais quoi se percer, des ruisseaux être pollués… et j’en passe. Je bois de l’eau contenue dans des bouteilles en plastique, et il paraît qu’on mange des aliments toxiques ! Chaque année on nous sort une nouvelle maladie ! C’est du n’importe quoi ! Alors, le progrès, non merci, je n’y crois plus. Sur ce point là non plus tu ne pourras pas me dire le contraire, c’était mieux avant !
- Jacqueline, c’est dur ce que tu dis. Effectivement il y a eu des erreurs d’aiguillage dans le passé, mais le contexte était différent. Et si c’était ces erreurs qui nous permettaient d’avancer mieux maintenant ; une fois que le diagnostic est établi, c’est plus facile de chercher des remèdes, non ? Jacqueline, à 10, 20 ou 30 ans, on veut parler du futur, de solutions et d’espoir ! Et puis, avoue, tu le testes par toi-même ce bonheur de voyager et de rencontrer, non ? Tout le monde devrait avoir cette chance, tu ne crois pas ?
- Ben dis-donc qu’est-ce qu’on peut avoir comme discussions casse-tête quand même ! Ça va être comme ça tout du long ?
- C’est toi qui a lancé le sujet Jacqueline ! Et peut-être que les algues nous permettront aussi de réparer certains dommages ? ^^
- Eh bien c’est ce qu’on va voir… (soupir)
Alors que je vous raconte un peu l’enquête que j’ai menée depuis cette discussion. Nous avons rencontré beaucoup de chercheurs qui ont parlé de « biofuels » que l’on pourrait fabriquer à partir de microalgues et de macroalgues.
A Chennai, nous avons eu l’occasion de rencontrer les fondateurs de la start up Sea6 Energy. Cette jeune équipe dynamique développe la culture offshore (loin du bord, là où on n’a plus pied, mais vraiment plus !) de macroalgues pour différentes applications, dont la production de biofuels. Mais tout d’abord, qu’est ce qu’un biofuel ? Sayash Kumar, un des co-fondateurs de Sea6 Energy, m’a expliqué tout ça :
- Sayash Kumar : Jacqueline, pour faire rouler ta voiture, tu vas faire le plein de carburant à la station et tu remplis le réservoir avec de l’essence ou du diesel. C’est ce carburant qui en brûlant donne à ta voiture l’énergie d’avancer. Ce liquide est issu du pétrole. Le pétrole est une substance très chouette car elle contient beaucoup d’énergie. Il y a environ 100 ans, on a découvert cette substance enfouie dans la Terre et on l’a rapidement utilisée pour développer de nouvelles inventions… La découverte a rapidement mené au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui – des voitures, des avions, des bateaux pour voyager, des matériaux qui nous servent à tout faire, des jouets, des chaises, des emballages, et plein d’autres choses. Le pétrole est un formidable cadeau de la Terre !
- Jacqueline : Mais si ce pétrole fonctionne si bien pourquoi changer de système alors ?
- Sayash Kumar : Malheureusement, il y a des problèmes liés à son exploitation. A chaque fois qu’on extrait et utilise le pétrole de la Terre, on modifie l’air autour de la Terre. Ce changement conduit à une élévation de la température de l’air autour de la Terre (l’atmosphère). C’est ce phénomène qu’on appelle le réchauffement climatique. Si le climat change, cela risque de rendre les conditions de vie sur Terre bien plus difficiles pour les humains. En plus, récemment, le pétrole est devenu de plus en plus difficile à trouver et il y en a de moins en moins à l’intérieur de la Terre. C’est inquiétant car le pétrole est la « nourriture » de notre monde moderne industrialisé. Sans pétrole, il sera difficile de faire marcher le monde tel qu’il est actuellement.
- Jacqueline : Mais avec tout ce progrès et ces connaissances, est-ce qu’on ne pourrait pas fabriquer nous même du pétrole ?
- Sayash Kumar : Hé… tu as raison Jacqueline ! Pour trouver plus de pétrole, on a tout d’abord essayé de comprendre son origine. Figure-toi que le pétrole provient de végétaux qui vivaient il y a des millions d’années ! En se retrouvant enfouis, ces débris végétaux ont été transformés chimiquement en pétrole à cause des conditions environnementales à l’intérieur de la Terre ! Au cours des 70 dernières années, les Hommes ont inventé des façons de faire du carburant à partir d’à peu près toutes les sortes de plantes ! Cela sera peut-être une solution pour le futur si nous arrivons à faire pousser des plantes, année après année, sans épuiser la Terre de ses richesses. Ce carburant, qui est fabriqué aujourd’hui à partir de plantes cultivées, est appelé biocarburant.
- Jacqueline : C’est formidable ! On a trouvé une solution alors ?!
- Sayash Kumar : Il reste encore quelques problèmes… Pour produire suffisamment de biocarburant pour faire fonctionner le monde tel qu’il est, nous avons besoin de cultiver énormément de plantes et d’utiliser beaucoup d’eau, une denrée qui se raréfie sous certaines latitudes. C’est un grand défi car la population augmente et nous avons aussi besoin de produire énormément de nourriture ! Les scientifiques et les ingénieurs à travers le monde essaient de trouver une façon de produire l’un sans compromettre la production de l’autre. Et il y a énormément de potentiel dans les algues. Nous serons peut-être capables de cultiver des microalgues et des macroalgues pour notre carburant dans le futur, une fois que nous disposerons d’un système permettant une production importante de matière végétale ainsi qu’un protocole efficace d’extraction et de transformation en biocarburant. Ce travail est très important car c’est une des quelques voies par lesquelles nous serons peut-être capables de continuer à faire fonctionner le monde tel qu’il est actuellement.
- Jacqueline : Merci beaucoup M. Kumar, j’en sais beaucoup plus sur le sujet à présent ! Vous avez l’âge de mes petits neveux, vous permettez que je vous appelle mon petit chaton ?
- Anne-Gaëlle : JACQUELINE !!!
Avec tout cela en tête, j’étais bien préparée pour la suite. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis devenue une spécialiste, mais à présent lors des conférences, comme à Incheon en novembre, j’ai pu comprendre environ un mot sur deux sans m’endormir. Les algues présenteraient beaucoup d’avantages : certaines espèces se multiplient très rapidement, elles peuvent utiliser des sources industrielles de CO2, les espèces marines ne nécessitent pas d’apports d’eau douce, qui est elle aussi si précieuse, … et j’en passe. Et j’ai bien compris les enjeux. Financiers aussi ! Il y a beaucoup d’équipes qui travaillent sur le sujet dans le monde et il y a eu beaucoup d’investissements lors des dernières années. Beaucoup d’équipes ont mis au point des protocoles. Mais pour l’instant, aucune production n’est économiquement viable. Il faut trouver un moyen de produire beaucoup, beaucoup de matière première végétale, ce que les chercheurs appellent la biomasse car nous consommons beaucoup, beaucoup d’énergie…
Anne-Gaëlle et moi en consommons particulièrement beaucoup et nous ne comptons plus nos heures de vol. Nous privilégions les moyens de transport par surface : train, bus, bateau… (et marche !) mais notre dilemme refait régulièrement surface dans les aéroports : mais généralement au moment où nous nous disons « On arrête ? On rentre à la maison ? », nous changeons immédiatement d’avis ! Mes petits chatons, il faut que je vous dise aussi que ce voyage nous réserve de magnifiques surprises et des solutions concrètes ! Tiens par exemple, dans les B, il y aurait beaucoup à dire sur la Bioremédiation ! Ça sera pour une prochaine fois.
Dans les B, il y aurait aussi beaucoup à dire sur :
Bioactifs, Bague, Bujna,…
Bujna, étudiante en thèse avec le Dr Reddy au CSMCRI à Bhavnagar. Elle nous attendait sur le quai de la gare à Ahmedabad avec un grand sourire.
Biocarburants : eh bien voilà un mot qui revient très régulièrement dans nos échanges avec les Algonautes. Rendez-vous compte : ça a même été mon cadeau d’anniversaire le 25 novembre dernier ! Nous étions alors en Corée du Sud, accueillies par le Pr. Gwang Hoon Kim et son équipe, et hébergées royalement dans la guest house de l’Université de Kongju !