Origine : Inspirations et convictions

AG-terrain-ptAu début, j’avais du mal à répondre lorsqu’on me demandait comment était venue l’idée du projet : la Route des Algonautes est née à la confluence de convictions et d’envies, personnelles et professionnelles. Les différentes raisons étant aussi importantes les unes que les autres, ma réponse était forcément exhaustive et ne pouvait durer moins d’1/4 d’heure (façon Otis) !

L’idée du projet a germé au cours de l’automne 2007, le montage a commencé en septembre 2009 et le départ a eu lieu en octobre 2010. Depuis 2010, l’aventure est devenue concrete avec son lot de découvertes et de réalisations dont beaucoup n’étaient pas prévues au départ !

Début 2014, avec le recul, je vous invite ici, et particulièrement les jeunes qui auraient des idées de projets en tête, à suivre le cheminement et la construction de ce projet à travers quelques mots clés. Plus que mon chemin personnel, c’est l’étonnement, l’apprentissage et la satisfaction en dehors des sentiers balisés que je voudrais partager.

Voici :

La Recette de la ROUTE DES ALGONAUTES

J’espère que ces quelques éléments vous encourageront à vous lancer sur votre propre route !

R

Recherche :

loupe

Mon plus cadeau de Noël fut mon premier microscope (pour le plus grand malheur des petites bêtes). Depuis petite, j’étais attirée par la biologie (qui, je le croyais, pourrait tout m’expliquer de la vie !) et j’ai entrepris des études pour travailler dans le domaine de la recherche.

O

Océan :

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Issue d’une lignée de marins-cultivateurs bretons, la mer est présente partout chez moi – c’est le paysage, le gagne-pain, le loisir, l’air qu’on respire – et c’est la biologie marine que j’ai choisi d’étudier à l’Université de Bretagne Occidentale de Brest.

U

Ubiquité des Algues :

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Au cours de mon parcours à la fac, j’ai réalisé différents stages : que ce soit dans le cadre de recherches sur l’aquaculture d’oursin, sur des molécules d’intérêt cosmétique ou médical ou de mesures de surveillance de la qualité des eaux littorales, il y a toujours eu un lien avec les algues ! Logique vu leur rôle écologique ! J’ai terminé mon cursus en 2008 par un doctorat en phycologie ( = science des algues).

T

Territoire :

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Je suis originaire de Plogoff, près de la Pointe du Raz dans le Finistère. Territoire maritime et rural, j’aimerais pouvoir vivre ici demain. Je me demande quel développement économique durable nous allons développer…

E

Environnement :

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Mon parcours en sciences environnementales a été passionnant, mais parfois aussi très déprimant ! En amphi, on nous a énuméré toutes les sortes de pollutions et leurs répercussions sur les organismes, expliqué en chiffres et en physique le changement climatique. On nous a parlé de causes anthropiques mais rarement de solutions. Dur dur de se tourner vers l’avenir sereinement…

puce

D

Développement durable :

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« Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre  la capacité des générations futures de répondre aux leurs, en accordant la priorité aux besoins essentiels des plus démunis». Ce concept qui a émergé au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, a été officialisé dans le rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement en 1987. L’objectif est  de trouver un équilibre pour concilier les dimensions économiques, sociales et environnementales des activités humaines. La « science de la durabilité », quant à elle, est née avec le 21e siècle (Kates et al., 2001). Elle est multidisciplinaire et nécessite l’émergence de nouveaux rapports science-société et des modes de co-production de savoirs innovants.

E

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Envie d’agir :

et de faire quelque chose qui va dans ce sens…

S

Sérendipité :

ou quand on découvre quelque chose que l’on ne cherchait pas : lorsqu’un jour de thèse brumeux en 2007 (très brumeux dans ma tête !), mon envie d’évasion et ma quête de sens me mènent à taper « tour du monde » dans un moteur de recherche (les doctorants reconnaîtront l’état d’esprit du thésard en fin de parcours…). J’étais loin de me douter que cette requête allait être l’étincelle d’un nouveau projet. Je découvre les sites de projets menés par des personnes de mon âge : Le tour du monde en 80 hommes, Le tour du monde des énergies ou Shake your planet, etc. Je partage leurs idées et leurs convictions sur l’avenir et le développement durable (voir ci-dessous Livres). Le négatif se transforme en positif !

puce

A

Algues :

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Au cours de ma thèse sur la culture de macroalgues, j’ai découvert de nombreuses innovations développées avec les algues et susceptibles de répondre à certains enjeux du développement durable : utiliser des microalgues ou des macroalgues pour dépolluer, fabriquer de nouveaux matériaux, produire de l’énergie, des matériaux, etc. Pendant ce temps là, les algues sont de plus en plus présentes dans les médias à cause des marées vertes ce qui tend à véhiculer une mauvaise réputation…

L

Livres :

Ceux que j’ai découvert sur Internet (voir ci-dessus Sérendipité) et qui deviennent mes livres de chevet :

80Homm

« Personne ne conteste qu’il faille s’attaquer aux pollutions, à l’extrême pauvreté, au réchauffement climatique, aux grandes épidémies, à l’accumulation des déchets afin de laisser aux générations futures une planète plus saine et plus juste que celle que nous avons trouvée. Mais la tâche paraît tellement colossale que la réaction classique est celle qui consiste à ne rien faire. Alors incarnons le développement durable dans des exemples de réussite, dans une somme d’innovations judicieuses pour la planète. Montrons que si la route est longue, certains l’ont déjà entamée. Donnons à tous l’envie de les suivre !»

Sylvain Darnil et Mathieu Le Roux. 2005. 80 hommes pour changer le monde

Shake your planet

«  Vous l’avez aussi constaté durant vos études; pour chaque problème donné, vous deviez trouver des solutions. Alors, pourquoi ne nous avoir parlé que des problèmes environnementaux ? Les solutions n’existent elles pas ? Sont elles encore dans les laboratoires de recherche, sont elles trop abstraites ? » 

Dimitri Caudrelier et Matthieu Roynette. 2009. 100 pionniers pour la planète.

Je bondis d’enthousiasme sur mon clic-clac à chaque page ! Ces projets sont formidables : des tours du monde dans une démarche pragmatique à la rencontre de personnes qui innovent et mettent en oeuvre des alternatives durables. Braquer les projecteurs sur ceux qui cherchent des solutions ! Et je fais vite le parallèle avec les algues !!

G

Gestion de projet :

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Mais comment ont ils fait ça ? Comment est il possible à 25-30 ans de réaliser un tel projet autour du monde ? Où et comment ont ils trouvé les fonds ? S’ils l’ont fait, c’est que c’est possible, non ? Et c’est grâce à leurs projets que je découvre les dispositifs d’aide à l’initiative des jeunes dont le programme Envie d’Agir et les bourses Défi Jeunes.

O

Objectif :

Argo

L’idée s’est plantée dans ma tête et n’en sort plus. Elle continue à faire son chemin et à prendre la forme d’un projet qui vise à mettre en lumière le potentiel sous-exploité des algues. Comme Jason et les Argonautes sont partis en quête de la Toison d’or, je voudrais partir dans une quête de solutions à la rencontre des Algonautes, ces héros explorateurs du potentiel des algues. Est-ce possible d’associer convictions personnelles et projet professionnel tout en réalisant un rêve ? Et si je n’essaie pas, comment je saurais si ça marche ou pas ?

N

Nouveau métier :

logo chry [Converti] - haute définition

Fin 2009, je me lance, je teste l’idée auprès d’amis puis de partenaires potentiels des milieux scientifique, politique et culturel. Je reçois beaucoup d’encouragements et de soutiens qui m’aident dans la structuration de mon projet. L’obtention de la bourse Défi Jeunes en mai 2010 constitue la pierre angulaire du montage. Le projet se professionnalise : j’entre dans la coopérative d’entrepreneurs Chrysalide en 2010 avant mon départ et je développe une activité de médiatrice scientifique et des missions de consultante dès le voyage.

A

Apprendre :

terrain

5 octobre 2010, c’est l’heure du départ et de la plongée dans l’inconnu. A partir de la cinquantaine de contacts ciblés avant le départ, je rencontre plus de 140 personnes grâce au réseau qui se met en place de fil en aiguille tout au long du voyage. Pendant 9 mois et dans 15 pays je rencontre des personnes spécialistes de chacune des thématiques ciblées. Ils sont chercheurs, inventeurs, pêcheurs, etc. Certains développent leurs travaux depuis des dizaines d’années. Ils m’expliquent les tenants et les aboutissants de leurs recherches, me racontent leur histoire et nous échangeons sur les enjeux actuels et le développement durable. J’apprends. Mes découvertes vont au-delà du cadre scientifique. Le voyage en solo et l’exposition aux autres cultures sont également sources d’apprentissage.

U

Utilisations :

wastewater treatment

 Les algues sont utilisées depuis des millénaires par les populations humaines pour des utilisations directes (alimentation humaine, animal, l’amendement des sols, la santé) ou indirectes (industrie du verre, de l’iode, extractions de composés d’intérêt tels que les carraghénanes ou les alginates, etc.). La Route des Algonautes se penche particulièrement sur le potentiel des algues et les innovations susceptibles de contribuer au développement durable, qu’elles soient technologiques, sociales ou organisationnelles.

T

Transmettre :

interventions

A travers l’échange pédagogique avec la classe de Cleden-Cap-Sizun, la mission de transfert vers les pêcheurs dans le cadre du programme de Coopération décentralisée Finistère-Chiloé au Chili ou au retour lors des différentes actions réalisées autour du projet, la Route des Algonautes a pour objectif la transmission des découvertes. La tâche n’est pas aisée car le champ des thématiques est large et j’ai accumulé beaucoup de témoignages ! J’ai conservé la démarche de recherche dans le traitement et l’analyse des données que j’ai ramenées du voyage. Cela nécessite du temps mais la conviction est toujours intacte et le projet continue sa course.

E

Expérience :

Algonaute-sable

Cela fait plus de 4 ans que je consacre une grande partie de ma vie à la Route des Algonautes. Le bilan est extrêmement positif que ce soit pour l’expérience professionnelle ou humaine. Le montage, la logistique du voyage ou l’analyse des données m’ont demandé des efforts, des nuits blanches et un travail considérables. La gestion de ce projet m’a offert l’opportunité de tenter des choses, de réussir parfois, de me tromper souvent, de me confronter à mes limites, de trouver les ressources pour continuer, de douter, de changer, de vivre des émotions intenses. En voyage ou devant l’ordinateur, chaque difficulté a nécessité un dépassement et un apprentissage. Au delà du cadre du projet, la Route des Algonautes est une expérience de vie que je chérie précieusement. Dès 2009, j’ai pu entendre parfois “ce n’est pas le bon moment pour monter un projet…”. Heureusement que je me suis lancée car de regret il n’y en a point ! J’encourage tous ceux qui ont une idée fixe à la transformer en projet !

S

Suites :

A ce jour, depuis octobre 2010, j’ai interviewé 144 scientifiques, pêcheurs, industriels, ONG dans 17 pays. Je suis rentrée avec un sac rempli d’optimisme et je poursuis mon chemin pour explorer le développement durable et transmettre la passion des algues au plus grand nombre à travers les histoires des femmes et des hommes que j’ai rencontrés.

Différentes actions ont été réalisées à destinations de publics variés (voir publications).

A mon retour, à partir d’octobre 2011, je travaille pendant un an à l’Université de Bretagne Sud de Vannes, et cette collaboration académique m’ouvre de nouvelles perspectives sur le projet telles que le développement de modules de formation sur internet.

Logo-LB-AGEn 2012, je participe à la co-création du LABOSCOP, le département de Recherche-Action-Formation de la coopérative Chrysalide avec d’autres entrepreneurs aux compétences variées et se reconnaissant en démarche de recherche et dans les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire. Nous hybridons nos savoirs avec pour objectif la co-création de produits ou de services et de nouveaux projets de recherche-action.

La même année, avec d’autres lauréats Défi Jeunes du Finistère, nous formons le Collectif Définistère pour encourager et soutenir les initiatives des jeunes. Nous voulons faire connaître nos projets, véhiculer l’image de la jeunesse qui entreprend. Ce groupe nous apporte aussi la solidarité nécessaire entre nous dans nos projets de longue haleine.

En 2013, je me consacre à plein temps au traitement et à l’analyse des interviews qui me permet de soumettre en fin d’année une première publication scientifique : il s’agit d’un chapitre de livre pour une édition d’Advances in Botanical Research sur les végétaux marins. Ce chapitre, intitulé “Selected comments on the role of algae on sustainbility” présente un aperçu des utilisations et des travaux de recherche menés sur les algues ainsi qu’une mise en perspective avec les enjeux du développement durable, dont la relation science-société. Le livre devrait paraître à la fin du premier semestre 2014.

Il reste encore du travail : je rêve toujours de finir le film à partir des interviews et des images du voyage, tout comme le livre de vulgarisation sur les découvertes de Jacqueline Algane. Encore des étapes avec probablement des difficultés et des efforts pour finaliser le projet, mais j’espère aussi de nouvelles surprises ! Mais ce projet a t’il une fin ? Qui de nous deux, la Route des Algonautes et Anne-Gaëlle, porte l’autre ?

Et puis d’ailleurs, en parlant de surprise, le montage de la Route des Algonautes m’en avait réservé une de taille avec la rencontre de mon mari ! Et c’est le chemin de la Californie que nous prenons tous les 2 pour de nouvelles aventures à San Francisco ! 🙂

A suivre…

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